de la culpabilité à la responsabilité…..
Dr Charles Gibert – Béatrice Picaud
Nous ne parlerons pas ici des culpabilités du tribunal qui sont en principe assumées et légitimées par les lois. Une culpabilité légitime est assumée, elle accepte les conséquences, et les réparations… en principe.
Nous nous intéresserons à celles, intimes, conscientes, ou inconscientes, qui rongent nos vies et nos relations. Il est normal de se sentir parfois coupable d’avoir mal agi, ou réagi. Par contre, il est RESPONSABLE de mettre cette culpabilité à sa juste place, d’inviter notre lucidité à sa juste place, de tirer une leçon, de prendre notre responsabilité, d’aller vers un changement, une libération, etc. ..
La différence entre la culpabilité et la responsabilité, c’est la prise de conscience de la nécessité d’un changement.
Qu’est ce que la culpabilité ?
La culpabilité, dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC), est une émotion complexe qui s’intègre à divers mécanismes inconscients influençant notre bien-être physique et mental. Ce « sentiment » (ou « émotion »), est sournois car, comme un ver qui ronge le fruit, il va déséquilibrer l’énergies des différents organes.
En MTC, la culpabilité est associée au concept de « Wei Ju », qui englobe le regret, la culpabilité et le remords. Comme toutes les émotions, c’est de l’énergie pure. Une énergie Yin, qui fait stagner l’énergie, la tire vers le bas, en commençant par celle du Poumon.
Le poumon est le logis de l’âme corporelle, le « Po », qui est responsable de tout ce qui se passe en arrière plan dans le corps, et particulièrement au niveau cellulaire
La culpabilité en énergétique
La culpabilité est donc liée à l’énergie métal, au Poumon /gros intestin, à la tristesse, à la peau, au tube digestif . C’est la première énergie qui descend dans le foetus !

Dans le ventre maternel, le bébé vit harmonie et fusion… A la naissance, il devra être « coupé » de sa mère (le métal va trancher le cordon), et il va expérimenter la dualité : moi et l’autre, le bien et le mal… et la culpabilité associée.
La respiration est évidemment associée à la Vie elle même : inspiration de la naissance, jusqu’au dernier souffle…
Le poumon est aussi le symbole de notre identité, reliée à notre territoire , à nos limites (le poumon gouverne la peau : les problèmes de peau sont liés à une énergie métal déséquilibrée, qui rend difficile de poser ses limites, de dire stop à toutes ces personnes qui vous « pompent l’air » …)
Quand elle n’est pas légitime, la culpabilité est la marque d’un déficit de confiance. La culpabilité fleurit sur la vulnérabilité, l’incapacité à se défendre.
Poumon et Rein sont les constituants de Wei Qi, l’énergie défensive en MTC. « Pompez l’air à quelqu’un », « cassez-lui les reins », il finira par se sentir dérouté, incertain, découragé, fatigué, vulnérable, etc… et ne tardera pas à retourner l’agression contre lui même. Il se sentira coupable. Coupable de fatigue, d’incertitude, de dépression, de mauvaises pensées, etc… de ne pas « être à la hauteur ».
Il y a des demandes injustifiées, impossibles à satisfaire, qu’il ne faut pas satisfaire dont le but conscient ou inconscient est de nous pomper l’air, de rétrécir l’espace et l’air qu’on y respire, et de nous casser les reins. Quelqu’un qui « ne manque pas d’air » et qui a les « reins solides » est à même de contrôler une « énergie perverse.
La culpabilité est une énergie perverse interne ( par opposition au froid qui est une énergie perverse externe).
Différencier culpabilité et responsabilité
On peut se sentir responsable d’actes légitimes qui sont jugés coupables par autrui. Inversement,…On peut se sentir coupable d’actes que d’autres jugeront parfaitement légitimes. Séparer l’acte, l’évènement, les mots, et, … les effets qu’ils nous font.

Si Poumon, Rein, et donc Wei Qi, et Coeur sont pleins d’énergie, les effets sont mesurés, contrôlés, lucidement considérés. A l’inverse, les émotions prennent le contrôle, la raison n’a pas de contrôle, pas assez d’énergie, de confiance, les poumons et le rein ne sont pas assez puissants pour construire une décision.
Le sentiment de culpabilité apparait quand on a peur d’être « coupée » de quelque chose, quelqu’un.. si je fais ça, je serai rejetée!… Et même pour des choses plus banales : si je reçois quelque chose, je me sens redevable, je dois rendre la pareille… sinon je vais me sentir coupable de « profiter » de l’autre !
Comment se manifeste cette culpabilité ?
Le sentiment de culpabilité renvoie à une perception plutôt négative du Soi, et se manifeste de différentes façons :
– se sentir responsable du malheur des autres. Si Wei Qi est puissant, il permet de se rendre responsable de son « non malheur », voire de son bonheur, par rapport à l’autre

– se sentir responsable de son propre malheur (« je m’attire des problèmes… je ne mérite pas le bonheur »). Si Rein, Poumon et Coeur ont suffisamment d’énergie ils ne permettent pas au malheur de s’installer durablement, puis d’alimenter une auto culpabilité : je suis nulle, je suis faible, je n’ai pas de courage, « c’est comme ça !…je suis comme ça ! ».
– se sentir responsable (voire coupable) de ce qui arrive à ses proches, et notamment de leur bien-être. Si Rein, Poumon et Coeur sont suffisamment forts, ils créent une confiance lucide qui met le malheur des autres à sa juste place. Si nous sommes suffisamment forts, nous pouvons aider les autres sans nous culpabiliser jusqu’à faire à leur place.
– se sentir impuissante à aider les autres, malgré tous ses efforts… Si nous avons confiance en nous nous acceptons lucidement que parfois nous sommes impuissants à aider l’autre. Parfois l’autre est dans l’ivresse de la plainte. Il souhaite se raconter, mais pas changer, ou se libérer. La plainte est devenue son interface privilégiée de communication avec vous et les autres.
Comment s’installe durablement cette culpabilité ?
La culpabilité s’installe progressivement, renforcée par nos éducations judéo chrétiennes et les normes sociales admises, et peut devenir chronique de plusieurs manières :
1. Accumulation d’expériences et conditionnements : le Shen, notre esprit, est en « perpétuel devenir », alimenté par nos expériences de vie. Il est le maître de toutes les émotions en MTC et réside dans le Coeur. La culpabilité peut perturber le Shen, entraînant des symptômes tels que l’insomnie, et l’instabilité émotionnelle. Toutes les injonctions, croyances et conditionnements qui nous sont inculqués depuis l’enfance, ainsi que les expériences négatives ou traumatisantes vont contribuer à installer cette culpabilité sous jacente, omniprésente…
2. Mécanisme d’auto-renforcement : la culpabilité agit souvent comme un « sentiment miroir », se retournant constamment contre soi-même. Cela signifie qu’elle a tendance à renforcer un cycle d’auto-accusation et d’autocritique qui s’auto-entretient. Ce mécanisme inconscient peut mener à une baisse de l’estime de soi et renforcer les comportements autodestructeurs
3. Masquage par d’autres émotions : la culpabilité peut se cacher derrière d’autres émotions plus visibles, comme la colère. En MTC, la colère est associée au Foie et est considérée comme une émotion Yang qui peut masquer l’émotion Yin qu’est la culpabilité. La culpabilité reste cachée, tout en continuant à influencer notre comportement et notre santé de manière inconsciente.
4. Affaiblissement des défenses immunitaires et du Zhi : une culpabilité excessive peut entraîner une fuite énergétique, affaiblissant nos défenses immunitaires et perturbant l’équilibre du Qi (énergie vitale). Ce déséquilibre énergétique se manifeste souvent par une fatigue chronique ou une susceptibilité accrue aux maladies, car l’énergie nécessaire pour maintenir la santé est détournée par l’émotion négative. Le Zhi est l’aspect de notre esprit lié à la volonté et à la confiance en soi. Cet affaiblissement peut ouvrir la porte à la dépression, créant un cercle vicieux qui renforce la culpabilité.

5. Mise en place de « Kouaï » : les « Kouaï » sont des schémas comportementaux inconscients créés par des expériences douloureuses ou traumatisantes. La culpabilité peut donner naissance à ces « fantômes », qui influencent nos réactions et comportements sans que nous en soyons conscients. Ces schémas peuvent devenir des réponses automatiques face à certaines situations, renforçant ainsi le sentiment de culpabilité.
• Par exemple, une personne ayant vécu une expérience effrayante peut développer un Kouaï qui se manifeste par une peur excessive dans des situations similaires (source des phobies ); • Schémas d’auto-sabotage : un Kouaï pourrait se manifester par des comportements qui empêchent inconsciemment la réussite ou le bonheur. • Habitudes compulsives : des expériences stressantes peuvent créer des KouaÏ qui se manifestent par des comportements répétitifs ou des addictions. Ces mécanismes montrent comment la culpabilité peut s’enraciner profondément dans notre psyché et notre corps, influençant notre santé mentale et physique sans que nous en soyons pleinement conscients.
Et la maladie dans tout ça ?
Dans la conscience collective, la notion de devoir « payer » pour nos erreurs est très présente : « soyez victime et expiez, en souffrant suffisamment pour racheter la faute, le péché…). Ça vous rappelle des choses ?…
S’agissant de la maladie : la plupart des maladies déclenchent chez les malades et l’entourage un profond sentiment de culpabilité. Plus la maladie semble inexplicable, plus ce sentiment est fort et difficile à dégager : la culpabilité nous « colle à la peau », nous sommes « punis ». « Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ?? »
Observez les expressions utilisées: on « attrape » la grippe, on « tombe » malade, on est « condamné »…Et commence le phénomène d’attraction /répulsion fréquemment rencontré entre la personne et SA pathologie. C’est le début du couple infernal !
De surcroît, les malades culpabilisent de faire vivre ça à leurs proches, d’être une charge… La maladie raconte une histoire, notre histoire, elle montre des signes (en grec sumptomatos signifie signe).
La culpabilité en elle-même est un signe de manque de confiance, de vulnérabilité, d’une baisse d’énergie défensive Wei Qi. La plupart des gens vont rechercher une cause extérieure, car chercher à l’intérieur revient à reconnaître qu’on aurait « mal agit » (la maladie serait la conséquence d’une cause interne ? Donc d’une faute interne ?!

On retrouve les Noeuds émotionnels enfouis : résultante d’une construction mentale, enfance, vécu, traumatismes, éducation, culture,…expériences inachevées qui se répètent jusqu’à ce que nous les achevions. Pour ne pas regarder là où cela fait mal, on cherche à l’extérieur : virus, bactérie, problème génétique reçu de nos parents.… Pour en sortir, il faut « divorcer » de sa maladie !
Mais avant, il est nécessaire que la personne comprenne l’attraction qu’elle avait avec cette pathologie. (d’où l’intérêt de savoir décoder le langage du corps….pour reconnaitre et accueillir ses messages !)